Quand le mythe chinois de Fuxi 伏羲 et Nüwa 女娲 (ou Nügua 女蝸) inspire les illustrations de contes pour enfants – Ici « Les Dragons » (l’Encyclopédie du Merveilleux paru aux éditions Albin Michel) – nous voilà plongés dans les racines anciennes de la civilisation chinoise… Probablement d’origine miao 苗, ce mythe apparaît dans un ouvrage taoïsant du 2e s av. notre ère (dynastie Han), le Huainanzi 淮南子 ou Écrits de Liu An (-179- -122), duc de Huainan.
Voici notamment, ci-dessous, deux représentations du couple hiérogamique à l’origine de l’humanité. A gauche, celle-ci figure sur une tombe de l’époque des Han orientaux, à droite, c’est une peinture de l’époque des Tang, celle dont s’est inspiré l’illustrateur du livre de jeunesse.
Hormis le costume des deux partenaires, probablement ouighoure sur la peinture de droite, se retrouvent sur ces deux représentations les mêmes attributs et symboles associés à l’un et l’autre partenaire : deux entités hybrides, mi-humaines, mi reptiliennes, dont le bras de l’un se confond avec celui de l’autre, ne faisant qu’un, les jambes remplacées par des queues de serpent s’entrelacent comme formant une double spirale. De toute évidence, l’union est affirmée clairement ici. Deux éléments corroborent cette affirmation : l’un tient un compas, instrument destiné à tracer le cercle, associé dans la symbolique chinoise au Ciel et au masculin ou souffle-énergie yang ; l’autre une équerre, destinée à tracer le carré, associée à la Terre et au féminin ou souffle-énergie yin. Soleil et lune renvoient aussi respectivement au masculin et au féminin.
Or, comme nous pouvons le remarquer sur l’image, les deux protagonistes ont échangé leurs attributs : c’est Fuxi qui brandit l’équerre, attribut féminin-yin tandis que Nüwa, tient le compas, attribut masculin-yang. Il s’agit donc d’un échange hiérogamique des attributs. Par ailleurs, la présence d’éléments célestes, le soleil et la lune en haut et en bas, et ce qui semble être des constellations tout autour du couple indique un contexte cosmique et incite à interpréter cette représentation dans un contexte métaphysique de deux courants de diffusion (queues de serpent entrelacées), unis, coexistants, masculin-féminin, qui sont à l’origine de la formation du monde.
N’hésitez-pas à me faire part de vos idées, si ces représentations vous inspirent !
Bon début d’année 2024 !
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>>> Pour approfondir l’histoire du mythe, voir ci-dessous le chapitre intitulé « L’invention du mythe de Fuxi et Nügua » de Charles Le Blanc, in Approches critiques de la mythologie chinoise (dir. Charles Le Blanc et Rémi Mathieu, Presses de l’Université de Montréal, 2007, p. 249-307)
>>> Voir aussi l’Anthologie des mythes et légendes de la Chine ancienne, textes choisis, présentés, traduits et indexés par Rémi Mathieu, Connaissance de l’Orient, Gallimard, 2023
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